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Par amour des voitures de sport100e anniversaire de la naissance de Ferry Porsche
L'histoire à succès de l'actuelle société Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG, basée à Stuttgart (Allemagne), n'est pas imaginable sans l'œuvre de la vie de Ferry Porsche. Sous sa houlette, le bureau d'études de son père, Ferdinand Porsche, se mua en un constructeur automobile indépendant qui, avec la Typ 356, présenta en 1948 la première voiture de sport à porter le nom Porsche.
" Au début, je regardais autour de moi sans parvenir à trouver la voiture de mes rêves. J'ai donc décidé de la construire moi-même ", déclarait Ferry Porsche. Avec la Porsche 356 et, plus tard, la 911, Ferry Porsche réalisa son rêve de " conduite sous sa forme la plus pure " sans se laisser distraire de son but. Doué d'un flair redoutable, il jeta les bases des valeurs de la marque, toujours d'actualité. En sa qualité de directeur gérant et de président du conseil de surveillance, il façonna la société Porsche cinq décennies durant. Mais son mérite fut surtout d'avoir été un visionnaire et, grâce à son tempérament de chef d'entreprise, d'avoir fait de Porsche un constructeur de voitures de sport leader au niveau mondial.
Avec la mort du professeur docteur ingénieur honoris causa Ferdinand Anton Ernst " Ferry " Porsche, le 27 mars 1998, s'en alla l'un des derniers pionniers de l'automobile. Sa contribution à l'automobile lui valut une place au " European Automotive Hall of Fame " ; désormais, son nom est associé à ceux de légendes comme Gottlieb Daimler, Carl Benz, Henry Ford ou Enzo Ferrari. Ce 19 septembre 2009, Ferry Porsche aurait fêté son 100e anniversaire.
Une enfance au milieu des voitures
Fils du constructeur Ferdinand Porsche et de sa femme, Aloisia, Ferry Porsche naquit le 19 septembre 1909 à Wiener Neustadt, en Autriche. Le fait que sa vie serait placée sous le signe de l'automobile se vérifia le jour même de sa naissance : au moment précis où il venait au monde, son père, Ferdinand, se trouvait au volant d'une voiture de course Austro-Daimler construite pour lui et décrochait la victoire dans sa catégorie lors de la course de côte de Semmering. L'héritier des Porsche reçut les noms de Ferdinand Anton Ernst, même s'il porta toute sa vie le prénom usuel que lui avait donné en premier lieu sa gouvernante : " Ferry ".
Comme sa sœur, Louise, de cinq ans son aînée, Ferry grandit dans une maison familiale à l'abri du monde où l'automobile était au cœur des préoccupations quotidiennes. Ingénieur en chef de l'usine autrichienne Austro-Daimler, son père, Ferdinand Porsche, travaillait sans relâche à de nouvelles idées et à de nouveaux projets. " Persuadé d'être né dans une voiture, je pouvais écouter des heures durant mon père parler de voitures et de courses et raconter des histoires captivantes à ce sujet ", se souvint plus tard Ferry Porsche. Le monde des machines l'enthousiasmait, et l'usine Austro-Daimler toute proche devint bientôt l'endroit préféré du garçon.
Lorsque Ferry Porsche, alors âgé de 10 ans, reçut la permission d'effectuer ses premiers essais au volant sur les genoux de son père, il éprouva peu à peu l'envie de posséder son propre véhicule. Ce qui n'était qu'un rêve pour la plupart des enfants de son âge devint réalité à la Noël 1919 pour le fils du alors déjà célèbre constructeur automobile. Le père fit assembler dans la section des apprentis une petite deux-places qui était animée par un bicylindre de 6 CV refroidi par air et qui atteignait fièrement 60 km/h. Avec cette " caisse à savon ", ainsi que l'on avait surnommé ce véhicule au sein de la famille, Ferry Porsche entreprit de sa propre initiative de grandes virées sur la voie publique. Certes, la voiturette ne possédait pas le moindre numéro d'immatriculation et son conducteur encore moins de permis de conduire valable, mais, " en raison de la position qu'occupait mon père, les policiers de Wiener Neustadt avaient pris l'habitude de fermer les yeux ", reconnut plus tard Ferry Porsche. Ce dernier fut également marqué dans sa prime jeunesse par ses trajets à bord de la voiture de course Austro-Daimler " Sascha ", qu'il fut autorisé à conduire sur la voie d'accès à l'usine de Wiener Neustadt en 1922. L'adolescent de 12 ans était tellement enthousiasmé par cette voiture de 45 CV à la vitesse de pointe de
144 km/h et victorieuse à la Targa Florio qu'il prit la ferme résolution de s'atteler avant peu à la construction de son propre bolide de course. Il ne devait cependant pas y parvenir, car Ferdinand Porsche quitta Austro-Daimler en mars 1923 pour exercer les fonctions de directeur technique et de membre du directoire de la société Daimler-Motoren-Gesellschaft à Stuttgart-Untertürkheim.
La jeunesse à Stuttgart
Pour Ferdinand Porsche Jr aussi, une nouvelle existence débuta à Stuttgart. Il dut se faire de nouveaux amis à la Gottlieb-Daimler-Realschuhle (école du niveau secondaire à l'orientation spécifique) de Cannstatt, dont plusieurs avec qui il resta lié toute sa vie. Parmi ses camarades les plus proches de cette époque figurait Albert Prinzing, futur professeur et directeur gérant de la société Porsche, qui décrivit ainsi sa première rencontre avec Ferry Porsche à l'occasion du 75e anniversaire de ce dernier : " Dans une salle de classe arriva un jeune Autrichien aux cheveux longs qui portait la coupe Hindenburg ; il était vêtu de ce pantalon inconnu de nous qu'il appelait "pantalon de golf". Il apparut dès lors qu'il était ce que l'on appelle aujourd'hui un lanceur de tendances, ce qui fait qu'ensuite, nous avions les cheveux plus longs et que la mode des pantalons de golf faisait fureur dans la classe. " Tout au long de sa vie, Ferry Porsche fut réputé pour la finesse autant que pour la sûreté de son goût, comme pour sa constance et son indéfectibilité dans les rapports humains. Avec Manfred Behr, un héritier de la dynastie des Behr, active dans la production de radiateurs automobiles, Ferry Porsche noua également une amitié à vie, qui remontait à l'époque d'un stage commun. À l'instar de la nouvelle école de Ferry Porsche, le nouveau domicile occupé en décembre 1923 par sa famille devait être tout aussi déterminant. Construite au nord de Stuttgart par le célèbre architecte Paul Bonatz, la Villa Porsche devait rester dans l'histoire de l'automobile comme le lieu de résidence principal de la famille et - outre la propriété familiale dans la ville autrichienne de Zell am See - comme un élément central dans la vie de Ferry Porsche.
Comme auparavant à Wiener Neustadt, Ferdinand Porsche laissa également son fils prendre part à son travail à Stuttgart. Grâce à une autorisation spéciale, Ferry Porsche obtint son permis à 16 ans à peine et put dès lors conduire tous les prototypes que son père avait emmenés avec lui à son départ de l'usine Daimler d'Untertürkheim. Il accompagna encore son père lors d'essais routiers plus longs dans la Forêt-Noire, impressionnant les passants au volant des puissants modèles Kompressor de Mercedes. À 18 ans révolus, Ferry passa l'examen régulier du permis de conduire et reçut sa propre moto, une BMW de 500 cm3. Néanmoins, son attrait pour les deux-roues s'évanouit rapidement en regard d'une autre expérience qui devait durer une vie entière : au mois de septembre 1927, il s'éprit de la Stuttgartoise Dorothea Reitz, qu'il épousa en 1935 et avec qui il vécut heureux jusqu'à ce que la mort les sépare, en 1985. Ils eurent quatre fils : Ferdinand Alexander (né en 1935), Gerhard (né en 1938), Hans-Peter (né en 1940) et Wolfgang (né en 1943), qui poursuivent l'œuvre de Ferry Porsche en tant qu'associés au sein de l'actuelle société Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG.
Après avoir terminé son cycle secondaire, Ferry Porsche prit conscience qu'il voulait suivre les traces de son père en tant que constructeur automobile : " Plus j'apprenais à comprendre la vie, plus j'étais en admiration devant l'exemple lumineux que m'avait donné mon père. " À la suite d'un stage d'un an dans l'entreprise Robert Bosch AG, il suivit l'auteur de ses jours en Autriche après que ce dernier eut quitté
Daimler-Benz AG pour occuper le poste d'ingénieur en chef au sein de l'entreprise Steyr-Werke AG au début de l'année 1929. En guise de préparation à des études techniques, Ferry Porsche fréquenta à Vienne une école privée, quoiqu'il passa presque plus de temps dans le bureau d'études et les ateliers de son père que sur les bancs de l'école. Lorsque Ferdinand Porsche quitta de nouveau Steyr-Werke pour s'établir à son propre compte en tant qu'ingénieur, il était clair que le fils privilégierait une formation pratique aux côtés de son père au lieu d'entreprendre des études supérieures.
1931 : le bureau d'études Porsche
Le 25 avril 1931, la société Dr. Ing. h.c. F. Porsche GmbH - Konstruktion und Beratung für Motoren- und Fahrzeugbau (" société à responsabilité limitée, étude et conseil en construction de moteurs et de véhicules ") fut inscrite au registre du commerce et des sociétés de Stuttgart. Le champ d'activité de cette équipe, composée au départ de douze personnes autour de Ferdinand Porsche, concernait l'ensemble des aspects de la technique automobile. Dès la première année, Porsche développa pour Wanderer, constructeur automobile de Chemnitz, une nouvelle berline de moyenne gamme. Suivront un essieu oscillant pour l'usine Horch de Zwickau et, à la demande de l'usine Phänomen de Zittau, un moteur cinq cylindres en étoile refroidi par air conçu pour être implanté dans des camions. La suspension à barre de torsion, pour laquelle fut déposé un brevet le 10 août 1931 et qui fut utilisée pendant des décennies par l'industrie automobile internationale, constitua un autre jalon dans l'histoire de la société. Plus jeune employé du bureau d'études,
Ferry Porsche acheva d'abord un apprentissage dans les domaines de l'étude et de la recherche. Son mentor était l'ingénieur diplômé Walter Boxan, qui lui enseigna les bases théoriques et mathématiques de la technique automobile. Bien vite, le jeune homme de 21 ans se chargea de ses propres missions, comme l'amélioration de la direction de la Wanderer de 2 l. Un travail d'apprentissage qui s'avéra exceptionnellement fructueux, puisque la direction fut perfectionnée et également utilisée plus tard dans les voitures de course Auto Union comme dans la " Volkswagen ". Dès le début, Ferry Porsche fut impliqué dans tous les projets et développements pour le compte d'autrui du bureau d'études. Ses tâches étaient toujours à responsabilité, de sorte que, dès 1932, il assura la coordination entre ingénieurs, supervisa les essais et, de concert avec son père, soigna les relations avec les clients.
Au printemps 1933, le bureau d'études Porsche fut mandaté par le constructeur saxon Auto Union pour développer une voiture de course à moteur seize cylindres selon le règlement de la nouvelle formule de
750 kg. Immédiatement après la signature du contrat, l'équipe de Porsche se mit à travailler sous la direction de l'ingénieur en chef Karl Rabe à la voiture de course Auto Union P (P pour " Porsche "), conçue pour être animée par un moteur central. À la fin de 1933, le premier moteur tournait déjà au banc d'essai... et connaissait une série de problèmes. L'un d'eux concernait le vilebrequin, dont l'extrémité avant bleuissait systématiquement. Ferry Porsche soupçonna une différence de dilatation thermique entre un vilebrequin en acier et un carter moteur Elektron en magnésium et, en conséquence, un jeu longitudinal trop faible. " Les ingénieurs m'ont écouté poliment, mais ils n'étaient pas convaincus que je puisse avoir raison ", se rappelait, énervé,
Ferry Porsche. " Sans plus discuter, j'ai effectué moi-même un test, j'ai pris le vilebrequin et le carter de vilebrequin et je les ai emportés dans l'atelier de trempe, où se trouvaient les fours qui permettaient de chauffer ces deux pièces. " Les mesures auxquelles il procéda ensuite confirmèrent sa théorie, et à partir de ce moment, un jeu longitudinal supérieur fut prévu. Au début de 1934 eurent lieu les premiers essais dynamiques de la voiture de Grand Prix, au cours desquels
Ferry Porsche fit la preuve de son talent de pilotage de manière tellement spectaculaire que son père, Ferdinand, redouta qu'il envisage de devenir pilote de course. Tout en lui faisant remarquer qu'un avenir prometteur l'attendait en tant que constructeur automobile, il lui interdit d'encore prendre le volant de la voiture de course avec ces mots : " Des pilotes, j'en ai beaucoup, mais je n'ai qu'un fils ! " Ferry Porsche se résigna et exprima ses ambitions sportives lors de rallyes disputés avec une voiture de tourisme Wanderer. Au cours des 2.000 km qu'il parcourut à travers l'Allemagne, il entra en concurrence directe avec les pilotes de pointe qu'étaient alors Bernd Rosemeyer, Hans Stuck et le prince de Linange (" Leiningen "). " Dans la première partie du rallye, qui traversait la Forêt-Noire, mon chrono était même meilleur que celui de Rosemeyer ", se souvenait encore Ferry Porsche, triomphant, des années plus tard.
1934 : le projet Volkswagen
La légendaire voiture de course à moteur seize cylindres n'était que l'avant-goût d'un succès qui allait s'avérer retentissant en 1934 avec
la " Volkswagen ". Le 17 janvier de cette année, Ferdinand Porsche présenta son " Exposé relatif à la construction d'une voiture du peuple allemande ", dans lequel il dévoilait le concept d'une voiture compacte robuste et bon marché. Mais le chemin pour se voir attribuer ce développement pour le compte de tiers était semé d'embûches, car le petit bureau d'études Porsche avait posé sa candidature pour une commande que les constructeurs automobiles allemands bien établis refusaient, la considérant comme de la concurrence potentielle. Soumise à la pression politique, la Fédération de l'industrie automobile du Reich (Reichsverband der Automobilindustrie, RDA) conclut avec Porsche le 22 juillet 1934 un contrat qui portait sur la construction d'un prototype de voiture du peuple. Deux conditions rendaient cette mission particulièrement contraignante : un prix d'achat visé inférieur à
1.000 Reichsmarks et un délai d'achèvement du prototype d'à peine dix mois. Ferry Porsche considéra plus tard le développement de la voiture de course Auto Union comme un " jeu d'enfant " par comparaison avec celui de la " Volkswagen ". Car pour cette dernière, les ingénieurs devaient non seulement concevoir un véhicule, mais aussi dès le départ en évaluer le coût. Il s'agissait de maintenir un prix final de
990 Reichsmarks, prix auquel devait être vendue la " Volkswagen ". Ainsi, il fallut par exemple renoncer à un frein hydraulique, étant donné que cela aurait impliqué de payer les droits de licence au détenteur du brevet Lockheed. " Il était capital d'éliminer tout ce qui était superflu. Nous avons procédé de manière systématique. L'empattement résultait de l'espace nécessaire dont avaient besoin quatre adultes disposant d'une habitabilité acceptable. Quant à la voie, elle a été calculée de telle sorte que la voiture puisse également emprunter des chemins de campagne et traverser des villages aux rues étroites. "
Le temps pressait, et les moyens financiers restreints du bureau d'études ne favorisaient pas le projet, dans la mesure où l'avance mensuelle de 20.000 Reichsmarks qui lui était versée se révéla rapidement très insuffisante. Les ingénieurs furent forcés d'entamer la fabrication et le montage des premières voitures d'essai dans le garage de la Villa Porsche, à Stuttgart. La place manquait d'autant plus que le parc de machines réduisait encore l'espace dans l'atelier privé de
Ferry Porsche. À la foreuse et à la fraiseuse s'ajoutèrent deux tours et l'équipe de développement de douze hommes. " Ne me demandez pas comment nous faisions ", se souvenait-il, " mais les trois premiers prototypes, appelés VW Série 3, ont été fabriqués dans ces murs. " Entre-temps, le développement de la " Volkswagen " durait plus longtemps que prévu. La première Volkswagen, la V1 (V pour
" Versuchswagen ", ou " voiture d'essai "), fut prête presque un an, jour pour jour, après la demande de développement officielle. Le 3 juillet 1935, Ferdinand Porsche présenta la berline à une commission de la RDA. La deuxième voiture d'essai, un cabriolet du nom de V2, prit la route le 22 décembre. Deux mois plus tard, le 24 février 1936, les deux Volkswagen originelles étaient présentées officiellement en première mondiale à Berlin.
Au contact des ingénieurs de Porsche, extrêmement compétents,
Ferry Porsche avait énormément appris et, de simple stagiaire, il était devenu un " chef junior " reconnu pour ses capacités. En confiant à son fils la direction des essais routiers de la " Volkswagen ", en 1935, Ferdinand Porsche l'encouragea tout en le mettant à l'épreuve. L'automne 1936 vit la naissance des premiers prototypes V3, systématiquement soumis à des essais sur route. En tant que responsable des essais, Ferry Porsche était chargé de leur faire parcourir 50.000 km avant la fin de l'année. Grâce à un sprint final qui impliquait de rouler même le dimanche, l'équipe d'essai réussit à couvrir la distance souhaitée avec trois véhicules pour le 22 décembre 1936. Pour Ferry Porsche, ce premier test ne représentait pas seulement un exercice technique : il s'agissait également d'une mission politique. Certes, il était responsable des essais de la maison Porsche, mais la Fédération de l'industrie automobile du Reich avait envoyé des représentants au sein de l'équipe afin qu'ils " jettent un œil critique " sur les essais en cours. Rapidement, les résultats des tests donnèrent lieu à des interprétations différentes. Pourtant, au bout du compte, le rapport d'une centaine de pages de la RDA se révéla positif : " D'après les caractéristiques présentées par le véhicule, il semble recommandé de poursuivre son développement. "
Revenant sur l'idée initiale de partager la fabrication de la " Volkswagen " entre les différents constructeurs automobiles allemands, le gouvernement du Reich décida, le 4 juillet 1936, de faire ériger une usine Volkswagen indépendante. Le 28 mai 1937, la Gezuvor
(" Gesellschaft zur Vorbereitung des Deutschen Volkswagens mbH " : " Société pour la Préparation de la Voiture populaire allemande ") fut fondée. Ferdinand Porsche, l'un des trois directeurs de la Gezuvor, se vit officiellement chargé des volets technique et planification de la future unité de production. Pour se faire une idée des dernières évolutions dans le domaine de la production de masse, Ferdinand et Ferry Porsche décidèrent de se rendre aux États-Unis en juin 1937. À Detroit, ils étudièrent les processus de production les plus modernes et se firent conseiller par des spécialistes de l'industrie américaine.
1938 : Porsche à Zuffenhausen
Pour mettre un terme à la situation provisoire du garage de la Villa Porsche et réunir les départements Essais et Étude, Ferdinand Porsche fit construire une nouvelle usine dans le quartier de Zuffenhausen en 1938. Ferry Porsche avait déjà acquis en mai 1937 le terrain situé au numéro 2 de la Spitalwaldstraße, qui deviendra plus tard le siège de l'usine mère actuelle de Porsche. La " série 0 " de la future Coccinelle vit le jour en juin 1938. Dans le cadre du développement de ce véhicule, Ferry Porsche acquit de plus en plus de responsabilités. " Ce que je préférais, c'était conduire la VW sur un châssis dépouillé avec un siège vissé et sans carrosserie : on voyait tourner les roues et on sentait le vent sur son visage. C'est de cette période que vient ma préférence pour les angles et les ailes bien marqués. C'est également pourquoi notre Typ 60 disposait de quatre véritables ailes. "
Le développement de la " Volkswagen " ne signifiait pas pour autant que le père et le fils Porsche avaient abandonné leurs projets favoris : l'étude et le développement de voitures de course et de sport. À la fin des années 1930, ils envisagèrent pour la première fois de mettre sur pied leur propre production de véhicules. Dès 1938, Ferry Porsche imagina une petite voiture de sport basée sur la " Volkswagen ". À titre expérimental, il équipa son cabriolet VW39 d'un moteur doté d'un compresseur. Pourtant, les autorités politiques lui interdirent rapidement d'acquérir des moteurs d'essai auprès de l'usine Volkswagen, ceux-ci étant destinés à l'industrie de l'armement. Le père et le fils Porsche conçurent alors leur propre voiture de sport de 1,5 l selon le concept de base de la voiture de course Auto Union. La Typ 114 devait être équipée d'un moteur central avec deux arbres à cames en tête et des chambres à combustion hémisphériques. La boîte de vitesses fut placée derrière l'essieu arrière. Trois personnes devaient pouvoir prendre place à l'avant, le volant étant monté au milieu ou à gauche. " Je me suis plus impliqué dans ce projet que mon père et que la direction. J'étais convaincu qu'un important marché d'après-guerre nous attendait ", expliqua plus tard Ferry Porsche.
Parallèlement à ce projet, un véhicule de compétition inspiré de la Volkswagen Typ 60 fut conçu à la demande de l'usine Volkswagen. Il devait servir à promouvoir la " voiture KdF " lors d'une course d'endurance entre Berlin et Rome. Sous la dénomination interne de Typ 64 ou Typ 60K10, les ingénieurs de Porsche développèrent et construisirent au printemps 1939 trois coupés de course pour l'" épreuve de vitesse non-stop " programmée en septembre de cette année-là. Comme une grande partie de la course, longue de plus de 1.500 km, devait se dérouler sur les nouvelles autoroutes allemandes, les ingénieurs accordèrent une attention particulière à l'aérodynamisme du véhicule. Avec une carrosserie profilée en aluminium, des passages de roue obturés et un quatre cylindres boxer VW modifié qui développait initialement 33 CV, la " voiture Berlin-Rome " atteignait une vitesse de pointe de 145 km/h. Le début de la guerre ayant empêché le déroulement de la course, le bureau d'études de Porsche utilisa la Typ 64 déjà prête comme routière sportive rapide avec laquelle il était possible de relier Stuttgart et Berlin à la vitesse moyenne de 130 km/h. La superbe Typ 64 est considérée aujourd'hui comme l'ancêtre de toutes les voitures de sport Porsche nées après 1948.
Avec chacun de ces projets, Ferry Porsche sortait un peu plus de l'ombre de son père, Ferdinand. " Nous étions loin d'être toujours d'accord sur le plan technique ", se remémorait-il malgré sa profonde estime pour les capacités de son géniteur. " Si, en présence d'autres personnes, j'avais un avis différent du sien, il se fâchait. Il craignait, je pense, de perdre la face. Toutefois, en cas de divergence d'opinion lorsque nous étions à deux, à l'occasion d'un long trajet en voiture, par exemple, il était beaucoup plus abordable et écoutait patiemment mon avis. Mon père était une personne très autoritaire. "
1944 : Porsche à Gmünd
Après l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, le travail des ingénieurs de Porsche porta principalement sur des véhicules militaires. Outre la Typ 81 " VW Kastenwagen " (fourgon), l'entreprise, devenue une société en commandite (KG) depuis la fin de 1937, développa la Typ 62
" KdF - Gelände-Fahrzeug " (véhicule tout-terrain), la Typ 82, qui allait se faire connaître sous le nom de " VW Kübelwagen ", la Typ 87 à quatre roues motrices et la Typ 166 " VW Schwimmwagen " (voiture amphibie). À la fin de 1939, le Service de l'armement de l'armée de terre confia au bureau d'études de Porsche le développement d'un char d'assaut moyen dont la construction fut toutefois arrêtée prématurément en raison de la nécessité de blindés plus lourds.
À partir de 1943, la vie des travailleurs de Porsche fut de plus en plus perturbée par les attaques aériennes menées sur Stuttgart. À l'automne 1944, à la demande pressante du commandement de la Wehrmacht en charge de l'armement, Porsche KG dut finalement déplacer le bureau d'études de Stuttgart à Gmünd, en Carinthie (Autriche). Des ateliers de fortune furent construits sur le site de la scierie " W. Meineke Holzgroßindustrie Berlin-Gmünd ", tandis que le terrain d'une école de pilotage située à proximité de Zell am See accueillit l'entrepôt de matériel. Répartie sur une multitude de lieux de travail et de bureaux, l'usine Porsche fut affublée par les membres de son personnel du surnom moqueur de " Vereinigte Hüttenwerke " (" Compagnie des Baraques unies ").
À la fin de la guerre, les ateliers de Zuffenhausen de la société
Dr. Ing. h.c. F. Porsche KG furent d'abord utilisés par l'armée française. En août 1945, une unité américaine reprit l'usine, transformée en atelier de réparation pour poids lourds. L'usine Porsche de Gmünd avait entre-temps reçu l'autorisation provisoire de reprendre ses activités. Les quelque 140 membres du personnel de Porsche pouvaient réaliser des " projets de tracteurs à moteur, de générateurs de gaz et d'autres équipements civils " et réparer " des véhicules motorisés et des machines agricoles ". À la mi-novembre 1945, dans ce contexte difficile, Ferdinand Porsche accepta l'invitation d'une commission française à Baden-Baden pour discuter de la poursuite du projet Volkswagen en France. Toutefois, avant la rencontre suivante, qui devait se tenir un mois plus tard et déboucher sur un accord, Ferdinand Porsche fut arrêté avec son fils, Ferry, et son gendre, Anton Piëch, par les services secrets français à Baden-Baden. Alors que Ferry Porsche était libéré de prison en mars 1946, son père fut maintenu en détention malgré son état de santé précaire et fut conduit à Paris et Dijon.
" Après la guerre, les choses sérieuses commencèrent pour moi, car je devais prendre les décisions seul, de ma propre initiative ", se souvint Ferry Porsche. Il lança de nouveaux projets adaptés au contexte changeant : les machines-outils de Gmünd servirent à fabriquer des accessoires pour tracteurs, des charrettes à bras ou des treuils. Mais son objectif restait de construire à nouveau des voitures. Par l'entremise de ses relations d'affaires Karl Abarth et Rudolf Hruska, Ferry Porsche signa le 15 décembre 1946 avec l'industriel turinois Piero Dusio un contrat portant sur d'importantes missions de développement pour sa société Cisitalia. Outre un petit tracteur et une turbine hydraulique, Porsche KG fut chargé de construire une voiture de course de Grand Prix (Typ 360) et une sportive biplace à moteur central (Typ 370).
" Si c'était à refaire, je ne changerais pas la moindre vis "
Le personnel de Porsche KG travailla d'arrache-pied à la voiture de course de Grand Prix Typ 360. Le premier véhicule entièrement développé sous la direction de Ferry Porsche était largement en avance sur son temps : pour la propulsion, les ingénieurs de Porsche avaient prévu un moteur douze cylindres de 1,5 l avec suralimentation par compresseur, tandis que le transfert de la puissance à la route était assuré par une transmission intégrale enclenchable. Même si le projet ne dépassa pas le stade d'essai en raison du manque de ressources financières de la firme italienne, il fut d'une importance capitale. Grâce aux honoraires perçus, Ferry Porsche put payer la caution d'un million de francs français exigée pour la libération de son père. Celle-ci survint le 1er août 1947. L'enquête ouverte en France à l'encontre du professeur Porsche pour délit de guerre présumé n'aboutit pas à une accusation formelle et fut définitivement abandonnée un peu plus tard. Lorsque Ferdinand Porsche examina à Gmünd les dessins de la Typ 360, il donna au travail de son fils la plus belle appréciation que l'on puisse attendre de sa part : " Si c'était à refaire, je ne changerais pas la moindre vis. "
1948 : la première voiture de sport Porsche
" Il faut bien avouer que c'est Cisitalia qui nous a stimulés ", raconta
Ferry Porsche, à l'occasion de son 75e anniversaire, à propos des débuts de la Porsche 356. " À l'époque, cette société construisait une petite voiture de sport animée par un moteur Fiat. Je me suis dit : "Pourquoi ne pourrions-nous pas faire la même chose avec des pièces VW ?" Nous avions déjà procédé de cette façon avant la guerre avec la "voiture Berlin-Rome". " Rétrospectivement, les risques économiques de cette entreprise dépassent l'entendement : toute l'Europe était en reconstruction et le marché proposait surtout des véhicules pratiques et bon marché. C'est dans ce contexte que Ferry Porsche réalisa son rêve de créer sa propre voiture de sport et qu'il constata que d'autres amateurs de voiture partageaient ce rêve.
Au printemps 1947, Ferry Porsche formula ses premières réflexions sur la fabrication à partir de pièces Volkswagen d'une voiture de sport, baptisée dans un premier temps " VW-Sport ", qui portait le numéro de projet 356. Le chef junior de Porsche avait dans l'idée de construire une voiture de sport qui lui plairait personnellement. Les ingénieurs de
Ferry Porsche étaient fascinés par l'idée de concevoir ce genre de véhicule et, en février 1948 déjà, ils avaient construit un châssis roulant pour lequel une carrosserie profilée de roadster en aluminium fut fabriquée. Tout comme la boîte de vitesses, la suspension et la direction, le moteur boxer à quatre cylindres provenait de Volkswagen. Le roadster à moteur central de 35 CV, qui ne pesait que 585 kg, atteignait la vitesse de pointe de 135 km/h. Cette voiture de sport portant le numéro de châssis 356-001 reçut la bénédiction officielle du gouvernement de Carinthie le 8 juin 1948, au terme d'une procédure de réception individuelle.
Dès la seconde moitié de l'année 1948, l'atelier de Gmünd entama la production en série des premiers coupés et cabriolets Typ 356/2. À l'instar de la Porsche 356 " Numéro 1 ", les modèles 356/2 étaient habillés d'une carrosserie en aluminium créée par Erwin Komenda, directeur du Développement des carrosseries chez Porsche. Pourtant, contrairement au prototype " Numéro 1 " à moteur central, la Typ 356/2 fut dotée d'un moteur boxer implanté à l'arrière pour créer un espace de rangement derrière le siège avant. À Zurich, un investisseur du nom de Rupprecht von Senger avança de l'argent pour une petite série et obtint en contrepartie un contrat d'importation pour la Suisse. Une chance : ce contact permit aussi à Porsche d'obtenir les tôles de carrosserie et les pièces VW dont il avait un urgent besoin.
Le fait que Ferry Porsche possédait un flair pour les affaires en plus d'une intuition technique aiguë se confirma le 17 septembre 1948 avec la signature d'un contrat, négocié avec le directeur général de l'usine Volkswagen, Heinrich Nordhoff, portant sur la livraison de pièces VW et l'utilisation du réseau de distribution de la marque. Ferry Porsche obtint de VW le paiement, pour chaque Coccinelle construite, d'un droit de licence à Porsche, vu que ce dernier avait développé ce modèle avant la guerre. En outre, il fut décidé de fonder un bureau central de gestion des importations, de la distribution et du service à la clientèle pour Volkswagen en Autriche, sous le nom de
" Porsche-Salzburg Ges.m.b.H. ". Ces accords avec la grande usine Volkswagen allaient asseoir la sécurité de la jeune entreprise Porsche, surtout du point de vue financier. Les bases du développement de Porsche KG en tant que constructeur de voitures de sport étaient jetées.
1950 : retour à Stuttgart
Avec le succès croissant de la Porsche 356, il devint clair que les ateliers provisoires de Gmünd ne suffiraient pas pour augmenter son volume de production. L'équipement technique du site autrichien était insuffisant et les conditions économiques de ce pays alpin, trop difficiles. À ce stade, personne ne pouvait prédire que l'entreprise s'orienterait finalement vers la construction de voitures de sport. Si les premiers succès de vente de la Typ 356/2 étaient de bon augure, Ferdinand Porsche se focalisait quand même principalement sur les tracteurs diesel et les turbines hydrauliques. Il s'attendait à ce que l'activité traditionnelle de l'entreprise, à savoir le développement pour le compte de tiers, génère un chiffre d'affaires plus important que sa propre production de véhicules. En revanche, Ferry Porsche était convaincu de la réussite de son idée et voulait au moins produire une série de quelques centaines de véhicules. C'est la raison pour laquelle il aspirait au retour de l'entreprise dans la ville automobile de Stuttgart en 1949.
Comme l'ancien atelier de Porsche, situé au n°2 de la Spitalwaldstraße de Zuffenhausen, était toujours utilisé par les Américains, Ferry Porsche décida d'installer provisoirement un bureau et un petit centre d'essais dans la Villa Porsche de Stuttgart. Les préparatifs pour le déménagement furent confiés à son camarade de classe Albert Prinzing, qui avait été engagé en novembre 1949 en tant que chef d'entreprise adjoint de la Porsche Konstruktionen GmbH à Stuttgart. À la fin de l'année, Porsche GmbH loua un hangar de 600 m² à la société Karosseriewerke Reutter & Co. GmbH de Stuttgart-Zuffenhausen et lui passa une commande de 500 carrosseries. " Comme Reutter n'avait aucune expérience dans le domaine de la soudure de métaux légers, nous avons dû utiliser de l'acier pour le coupé ", expliqua Ferry Porsche. La première Porsche 356 fut construite à Stuttgart en mars 1950. Alors que Ferry Porsche abandonnait peu à peu ses fonctions techniques pour se consacrer aux tâches de gestion par manque de temps, la Porsche 356 devenait un succès commercial. Les capacités libres de Reutter furent rapidement épuisées et plusieurs autres carrossiers furent appelés à la rescousse. " Nous étions loin d'imaginer que nous produirions un total de 78.000 exemplaires de la Typ 356 ", résumait Ferry Porsche, satisfait.
Le fait que Porsche se tourna rapidement vers l'exportation constitua un facteur de réussite important pour la jeune entreprise. En 1950 déjà, Ferry Porsche envoyait les premières voitures aux États-Unis par voie maritime. Sur le plus grand et le plus important marché du monde, la Porsche 356 conquit d'emblée le cœur des amateurs de voitures de sport et de nombreuses stars hollywoodiennes. Avec des modèles tels que la 356 Speedster, Ferry Porsche répondait exactement aux attentes des clients américains, à qui il vendit la moitié de sa production annuelle dès 1955. Outre les exportations, la passion de Ferry Porsche pour les sports moteurs fut aussi un catalyseur de réussite pour la marque. Au lieu de recourir à la publicité, il décida de faire connaître ses voitures de sport au grand public en décrochant des victoires : " Les contraintes extrêmes subies lors des courses permettent de rapidement mettre au jour les points faibles, ce qui incite les techniciens à trouver de nouvelles et meilleures solutions. " Pour Ferry Porsche, la compétition était également synonyme de progrès technique constant, car l'expérience qui y était accumulée profitait directement au perfectionnement des modèles de série.
Ferry Porsche, l'entrepreneur
Ferry Porsche sut toujours interpréter les signes du temps et reconnaître les changements du marché. À la fin des années 1950, les perspectives étaient plutôt limitées pour la 356, qui, malgré de nombreux passages en " salle de fitness ", ne pouvait pas nier ses liens de parenté avec la Coccinelle de VW. Au lieu de poursuivre le développement du modèle éprouvé, Ferry Porsche décida de concevoir une nouvelle voiture basée sur le concept Porsche établi, avec moteur boxer à refroidissement par air implanté à l'arrière. La tâche n'était pas aisée, car la 356, âgée de quinze ans, avait acquis le statut de " classique " depuis bien longtemps. Au début des années 1960, trois des quatre fils de Ferry Porsche, qui avait déjà eu un premier petit-fils entre-temps, suivirent l'exemple paternel et commencèrent à travailler dans le secteur automobile. À commencer par Ferdinand Alexander, concepteur dans le département Maquettes de la société. Il travailla avec Ferry Porsche au style de la remplaçante de la 356, qui, à l'origine, devait s'appeler 901. Ferdinand Alexander Porsche décrivit la collaboration avec son père en ces termes : " Lorsque j'ai construit la 911, il était derrière moi depuis le début. Non pas parce que j'étais son fils, mais parce qu'il était convaincu par la voiture. Il avait toujours un sens très prononcé de l'esthétique et n'aimait pas les formes et les couleurs extrêmes. "
En 1963, lors du Salon automobile international de Francfort, Porsche présenta sa nouvelle voiture de sport. La 911 se distinguait de sa devancière en de nombreux points, et pas seulement par son moteur six cylindres qui ne demandait qu'à monter dans les tours. De plus, Ferry Porsche se félicitait de " pouvoir enfin caser facilement un sac de golf dans sa voiture ". La décision de produire la 911 conçue par son fils aîné était visionnaire. Elle se différenciait fondamentalement de tout ce que l'on avait connu jusque-là aussi bien par son style que par ses caractéristiques techniques.
Au niveau entrepreneurial aussi, le lancement de la " Typ 911 " était une opération osée pour Ferry Porsche. En 1964, au cours des préparatifs de production de la nouvelle série, Porsche reprit l'atelier de carrosserie de son fournisseur Reutter & Co. GmbH. Cette acquisition signifiait un tour de force pour le fabricant de voitures de sport, car les quelque
1.000 membres du personnel de la société Reutter furent tous intégrés à Porsche KG avec maintien de leur ancienneté. Le fait que Ferry Porsche reconnut le potentiel d'avenir et de réussite du concept 911 entièrement novateur fut l'un de ses grands mérites. La recette du succès de la série résidait dans une politique d'évolution constante qui en fit la voiture de sport idéale : " Si je considère rétrospectivement le modèle 911, je dois admettre qu'il représente sans conteste un concept controversé. Toutefois, sa longévité tout simplement exceptionnelle me rend fier d'avoir eu raison au bout du compte. "
Ferry Porsche donna régulièrement une chance aux idées inhabituelles et risquées aussi. En 1969, dans le cadre du projet VW-Porsche 914, l'entreprise s'associa à Volkswagen dans le but de conquérir de nouvelles parts de marché avec une voiture de sport abordable positionnée sous la Porsche 911. Malgré un design contesté et un problème d'image, la 914 connut également un grand succès et devint, avec 120.000 exemplaires vendus, la voiture de sport la plus appréciée du début des années 1970. Ferry Porsche conduisit aussi une 914 qu'il avait reçue comme cadeau de son personnel pour son 60e anniversaire. Cette sportive à l'aspect extérieur quasiment inchangé était toutefois équipée du huit cylindres (3 l) de la 908 de course " dompté " pour une utilisation quotidienne. L'homologation de cette voiture avec le numéro d'immatriculation officiel S-R 3000 attestait d'une puissance de 260 CV. Ce cadeau n'allait pas prendre la poussière dans le garage : Ferry Porsche couvrit plus de 10.000 km avec la 914/8. À partir de ce moment, la voiture anniversaire personnalisée devint une tradition lors des anniversaires " à chiffre rond " du chef de Porsche. À la question d'un journaliste qui voulait savoir s'il achèterait lui-même une Porsche, Ferry Porsche avait répondu : " Non, j'attends simplement mon anniversaire. "
Ferry Porsche voulait toujours que son entreprise soit au premier plan, techniquement, mais également au niveau social. Être un entrepreneur tout en restant un homme n'était pas antinomique pour lui, l'un complétant l'autre de façon logique. Il estimait que c'était peut-être même la base de tout succès. En 1956 déjà, il avait introduit l'assurance vieillesse dans l'entreprise, et une fondation Porsche aidait tous les collaborateurs en détresse financière sans en être personnellement responsable. En 1960, la société proposa à l'ensemble des ouvriers un salaire mensuel à la place d'un salaire horaire, les mettant ainsi au même niveau que les employés. La société Porsche octroya des prestations telles que les primes de Noël ou de vacances bien avant que cela devienne courant dans cette branche d'activité (et ce, sans obligation légale ou découlant d'une convention collective). Ferry Porsche fut également un pionnier dans le domaine des avantages sociaux accordés par un employeur.
Poser des jalons pour l'avenir
Au début des années 1970, Ferry Porsche prépara une fois de plus le terrain pour cette société qu'il dirigeait depuis 20 ans. En 1971, après de longues discussions concernant sa succession à la tête de Porsche, les familles Porsche et Piëch décidèrent de ne plus octroyer de poste de direction opérationnelle aux membres de la famille. Au début de l'année 1972, les associés de la Dr. Ing. h.c. F. Porsche KG décidèrent de transformer la société en commandite en une société anonyme (AG) à partir du 1er août 1972. Ferry Porsche aussi se plia à la décision familiale unanime et se retira de la gestion active de la société pour en suivre le destin en tant que président du conseil de surveillance. Il occupa ce poste jusqu'en 1990, année où son fils Ferdinand Alexandre lui succéda. En tant que président d'honneur du conseil de surveillance, Ferry Porsche participa activement au développement de l'entreprise jusqu'à la fin de sa vie.
Sa clairvoyance en tant qu'entrepreneur et technicien ne cessa d'influencer la société Porsche. Il se laissait volontiers séduire et convaincre par les idées novatrices de ses ingénieurs. Avec des modèles comme la 924, la 944 et la 928, Porsche sortit des sentiers battus, pas toujours pour la plus grande joie des Porschistes " purs et durs ". Toutefois, ces modèles aussi contribuèrent véritablement au succès de l'entreprise. Car, en fin de compte, une Porsche sur deux produite dans les années 1980 était un modèle à moteur avant. Ferry Porsche s'interrogea également beaucoup sur le futur de l'automobile. Ses paroles de 1979 n'ont jamais été aussi actuelles qu'aujourd'hui : " À l'avenir, la question de la consommation sera capitale. Depuis toujours, elle dépend du poids et de la résistance à l'air. Qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre, la voiture de sport est avantagée. " Il est important " que nous fassions quelque chose à nos voitures qui soit déterminant pour la consommation. Et c'est là que nous profitons des solutions que nous avons fait évoluer en compétition, par exemple le turbocompresseur. Le turbocompresseur ne sert pas qu'à augmenter la puissance. Il peut également améliorer le degré d'efficacité du moteur et permet ainsi d'atteindre des valeurs de consommation extrêmement faibles. "
À la fin de sa vie, Ferry Porsche fut le témoin de la crise qui menaçait l'existence de son entreprise. Pourtant, même lorsque la société Porsche fut considérée comme une candidate à la reprise, il souligna toujours sa volonté absolue d'autonomie. Grâce au redressement économique initié par Wendelin Wiedeking, il put voir l'œuvre de sa vie à nouveau engagée dans la voie du succès. En 1996, avec l'introduction de la Porsche Boxster, il assista à la concrétisation de sa vision d'un roadster à moteur central. Il ne s'inquiétait pas de l'avenir de son concept de voiture de sport. " La dernière voiture construite sera une voiture de sport. " Avec son décès, le 27 mars 1998, coïncide quasiment la fin d'une autre ère : la même année, la dernière 911 à refroidissement par air allait quitter la chaîne de montage.
Étapes de la vie du professeur " Ferry " Porsche
1909
Naissance le 19 septembre à Wiener Neustadt, en Autriche, de Ferdinand Porsche, surnommé " Ferry ". Scolarisation à Wiener Neustadt et à Stuttgart-Bad Cannstatt. Formation technique chez Bosch à Stuttgart, ainsi qu'à l'usine autrichienne Steyr.
1931
Début de ses activités comme technicien au bureau d'études
Dr. Ing. h.c. Ferdinand Porsche GmbH, fondé à Stuttgart par son père.
1932
Extension de ses tâches au contrôle des essais et à leur coordination. Participation à l'étude et au développement de la voiture de Grand Prix d'Auto Union.
1934
Dirige les essais routiers des prototypes Volkswagen.
1935
Épouse la Stuttgartoise Dorothea Reitz, qui décédera en 1985. Quatre fils naîtront de cette union.
1938
Direction du département Essais. Cette même année, déménagement du bureau d'études à Stuttgart-Zuffenhausen.
1940
Vice-directeur de l'ensemble de l'entreprise.
1945
Prend la direction du bureau d'études de Porsche KG* transféré à Gmünd, en Carinthie (Autriche), pendant la guerre.
1946
Devient responsable pour l'ensemble de l'entreprise en juin.
1948
Première 356 construite. Il s'agit d'une voiture de sport à moteur central de 35 CV.
1949
Après l'achèvement des 52 premiers exemplaires de la 356 à Gmünd, retour à Stuttgart-Zuffenhausen, conjointement avec la majeure partie du personnel. Reconstruction du bureau de développement sous la direction de Ferry Porsche et préparation à la production en série.
1950
Début de la fabrication en série de la Porsche 356 à Stuttgart-Zuffenhausen.
1959
Reçoit la Grande Croix du Mérite de la République fédérale d'Allemagne des mains du président fédéral, le professeur Theodor Heuss.
1965
Titre de " Docteur en technologie honoris causa " décerné par l'École supérieure technique de Vienne.
1972
Président du conseil de surveillance de la société, entre-temps transformée en société anonyme (Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG) le 1er août.
1975
Grande Médaille d'Or de la République d'Autriche.
1978
Médaille Wilhelm-Exner.
1979
Remise de l'Étoile de la Grande Croix du Mérite de la République fédérale d'Allemagne, à l'occasion de son 70e anniversaire, par le ministre-président du Bade-Wurtemberg, Lothar Späth.
1981
Médaille d'or de la Société des Ingénieurs de l'Automobile et nomination comme citoyen honoraire de la ville de Zell am See, en Autriche.
1984
Attribution du titre de " Professeur " par le ministre-président Lothar Späth.
1985
Élévation au rang de " Sénateur honoris causa " par l'université de Stuttgart.
1989
Remise de la Médaille de l'Économie pour mérites exceptionnels en faveur de l'économie du Bade-Wurtemberg, le 19 septembre, par le ministre de l'Économie du Bade-Wurtemberg, Martin Herzog.
Médaille de citoyen de la ville de Stuttgart à l'occasion de son 80e anniversaire, en reconnaissance de ses grands mérites pour le développement économique de la capitale régionale.
1990
Président honoraire du conseil de surveillance de la
Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG.
1993
Président honoraire du conseil de surveillance sans mandat.
1994
Se voit décerner le titre de citoyen d'honneur de Wiener Neustadt le 21 septembre en reconnaissance de ses services particuliers en faveur de l'économie autrichienne et de la Basse-Autriche, et en particulier pour services rendus à la ville.
1998
Décès le 27 mars à Zell am See.
* Porsche est devenu une société en commandite (KG) en 1937.
8/20/2009