Souvenirs d’enfance épiques
Le retour des anciens camarades de jeu. L’histoire de l’automobile revisitée sous un angle nouveau : le livre Kinderzimmerhelden de Christian Blanck met en scène les héroïnes qui ont peuplé les chambres d’enfant ces soixante dernières années. Des souvenirs à feuilleter dans une édition
Christian Blanck s’approche de son sujet presque affectueusement, ajuste encore une fois la pose, teste plusieurs angles et éclairages. Voilà quatre ans que le photographe se passionne pour ces voyages dans le temps. Aujourd’hui, il place son objectif devant une
Mais tout cela n’a rien d’un shooting ordinaire. Aucun projecteur, aucun flash de studio. La lumière vive du soleil fait nettement ressortir les bosses et les éraflures de la carrosserie. Le pare-brise avant est enfoncé, un phare manque à l’appel. Quant aux roues, elles ne tournent plus tout à fait rond. Le studio de photographie se résume à deux plaques de polystyrène pas plus grandes qu’un carnet à dessin d’écolier. Car ce modèle est 43 fois plus petit que l’original : il s’agit d’une miniature de la marque française Safir Super Champion. Le déroulement de la séance dépend du bon vouloir des rayons de soleil. À quatre pattes sur le sol en béton ciré, Christian Blanck suit la tache de lumière qui traverse la fenêtre de son bureau. Quelques jours plus tôt, ses enfants ont dessiné à la craie des circuits automobiles sur le sol, comme en témoignent désormais les marques blanches de son T-shirt et de son pantalon.
Christian Blanck met en scène des souvenirs d’enfance. Son premier livre, Kinderzimmerhelden (héroïnes des chambres d’enfant) est paru en 2015. Plus de 300 pages remplies de petites voitures de chez Matchbox, Siku, Majorette, Dinky Toys ou Hot Wheels… éraflées, écaillées, rayées. « État : ayant joué », disent les collectionneurs. Mais le terme ne rend pas entièrement justice aux différentes nuances d’usure, que Christian Blanck capture dans les moindres détails. Il ne se contente pas de photographier un jouet, il transporte le lecteur dans sa propre enfance. Et ça marche : la première édition de son livre est pratiquement épuisée.
« On se souvient tous d’histoires et d’aventures avec nos petites voitures », déclare Christian Blanck. Des tentatives de réparation au tournevis, des sorties de route depuis le troisième étage, et bien sûr des crash tests effroyables – une voiture dans chaque main, les bras grand ouverts qui finissent par se refermer en une collision frontale fracassante. C’est un dimanche matin qu’ont refait surface les souvenirs d’enfance de Christian Blanck. Alors qu’il fait rouler des petites voitures dans le salon avec son fils Niklas, âgé de deux ans, il prend les premières photos avec son smartphone. « Ça n’aurait sans doute pas marché avec des voitures neuves », explique-t-il aujourd’hui. Ce jour-là, les bosses et les éraflures des vieilles voitures font remonter à la surface une foule de souvenirs d’enfance.
Photographier des petites voitures qui ont vécu, c’est une chose. En faire un succès de librairie en est une autre : pour y parvenir, Christian Blanck a dû cultiver quelques talents. Lorsqu’il n’est pas occupé à rechercher, trier ou photographier des modèles réduits, il exerce comme consultant indépendant en stratégie. Son activité consiste à « accompagner la naissance de marques, produits et idées ». Il est aussi accessoirement impresario d’un groupe de rock. Après ses études de politique et d’histoire, Christian Blanck voulait devenir journaliste. Mais à l’issue d’un stage, il s’oriente plutôt vers le conseil en stratégie. Au fil de sa carrière, il voyage autour du monde 200 jours par an au gré des Grands Prix de Formule 1, puis travaille sur des campagnes pour des voyagistes et des fabricants d’articles de sport. Aujourd’hui, dans sa propre boutique, « Die blancke Liebe », il propose entre autres une collection de bijoux entièrement bio, composée de colliers et de bracelets aux couleurs naturelles fabriqués en bois ou en résine de palmier.
Pas toujours évident de voir le point commun entre ses différentes activités professionnelles. Mais pour lui, les choses sont claires : « Le point commun, c’est que je ne veux pas prendre un train déjà en marche. J’aime mettre sur les rails de nouveaux projets. » Des livres sur les voitures, par exemple. Christian Blanck résume sa philosophie en une phrase : « Le produit doit être parfait, pour le reste, on se débrouille. » Mais il ne lui a pas seulement fallu apprendre la photographie. « Ce livre tient davantage de l’œuvre d’art », explique-t-il. Il suffit d’avoir un exemplaire entre les mains pour en être convaincu, pour reconnaître la qualité de l’impression et de la reliure, le design unique de la tranche. Si les héroïnes restent un passe-temps, elles exigent beaucoup d’efforts. Alors que la deuxième édition est en préparation, un jeu de cartes et un calendrier de l’avent sont disponibles depuis l’automne. Ainsi que le premier projet mené en collaboration avec une marque : Kinderzimmerhelden, publié dans la collection
Christian Blanck est certain de ne pas manquer de candidates pour ses prochaines séances photo. Depuis qu’il s’est lancé dans ce projet, ses amis, collègues et connaissances se tiennent à l’affût de voitures « ayant joué ». L’un de ses voisins, âgé de 70 ans, est désormais son donateur le plus âgé. Quant aux modèles de l’
Texte Ole Zimmer
Photos Christian Blanck
Christian Blanck
L’auteur vit à Stuttgart avec son épouse Nele et ses deux fils Niklas et Henri. Ses premières héroïnes viennent du grenier de ses parents – deux pleines caisses de souvenirs d’enfance.
Kinderzimmerhelden – Das