Voyage dans le temps

Bill MacEachern entretient des liens forts avec sa Porsche. Il a déjà parcouru plus d’un million de kilomètres au volant de sa voiture de sport, soit trois fois la distance de la Terre à la Lune. En 1976, ce Canadien passionné de Porsche fait l’acquisition d’une 911, parmi les premières à moteur turbo. Depuis, le duo a avalé les kilomètres : rétrospective de 41 ans de vie commune.

« J’ai grandi avec des Muscle cars », déclare Bill MacEachern, ce Canadien de Toronto aux racines écossaises, fermement campé sur ses jambes. « Dans ma jeunesse, j’avais une Oldsmobile 4-4-2. Elle faisait bonne figure au drive-in, mais pour le reste, un vrai camion-citerne. » La comparaison le fait toujours rire, même si elle lui rappelle immanquablement la stupéfaction éprouvée en 1970 lorsqu’il s’est assis pour la première fois au volant d’une Porsche. Une 911 T rouge. « Je n’arrivais pas à croire qu’une voiture puisse être aussi maniable, aussi bien conçue et aussi équilibrée, et confortable en plus, malgré l’espace réduit et son caractère sportif. »

Ce moment marque le véritable début de sa passion pour les voitures de sport originaires de Zuffenhausen. Il achète dans la foulée une 911 argent comme voiture de fonction pour son entreprise, une société de nettoyage de tapis en pleine expansion. Peu après, il a une autre révélation : « En 1972, j’ai vu pour la première fois une Porsche 917/10 lors d’une course Can-Am. La puissance absolue en une fraction de seconde : une fusée. » Quand Porsche lance sur le marché canadien sa 911 Turbo, Type 930, Bill MacEachern sait tout de suite que ce sera elle sinon rien. Son concessionnaire tente vainement de le dissuader : ce modèle est d’une puissance diabolique. Une 911 plus mesurée serait un meilleur choix. Bill MacEachern ne veut rien entendre. Il est sous le charme.

1973

0 km – Premier choc pétrolier

En 1973, les files d’attente s’allongent devant les stations-services. L’essence devient une denrée rare. Certains automobilistes envisagent de passer à des modèles plus petits, mais notre Canadien n’en démord pas. À l’automne 1975, il commande une 911 Turbo, livrée Bleu Nuit, intérieur cuir liège, sièges sport et différentiel à glissement limité. Il se dit qu’il n’aura sans doute plus jamais l’occasion d’acheter une voiture de sport aussi radicale, aussi merveilleusement déraisonnable.

1976

23 km – Grosse frayeur

En mai 1976, la voiture est expédiée par avion depuis l’Allemagne. Elle porte le numéro de série 350. Bill MacEachern découvre sa Porsche pour la première fois à l’aéroport. Et là, c’est la frayeur de sa vie : « Ce n’est pas la bonne couleur. » Il ne s’est pourtant pas trompé dans la commande. « En fait, la voiture était juste recouverte d’une couche de poussière. » Une fois les traces du long voyage effacées, l’aventure peut commencer. Et elle se poursuit encore aujourd’hui.

1976

6 245 km – Le virus de la course

« Pour mon premier grand voyage, je suis allé assister à une course Trans-Am à Trois-Rivières en traversant l’Ontario et le Québec. » Il s’en souvient comme si c’était hier. Cette compétition sera un autre élément déclencheur pour le passionné de turbo qu’il est. Cette année-là, George Follmer remporte la victoire sur une Porsche 934, suivi d’Al Holbert sur le même modèle. Bill MacEachern prend goût aux courses : après cette escapade d’un week-end, les pèlerinages vers les circuits d’Amérique du Nord se succèdent au fil des décennies. Lors de ses excursions vers Sebring et West Palm Beach en Floride, Road Atlanta en Géorgie ou Lime Rock et Watkins Glen en Nouvelle-Angleterre, il va parcourir des centaines de milliers de kilomètres au volant de sa Porsche. Rien que pour assister aux légendaires Monterey Historic Races en Californie, il traversera cinq fois les États-Unis.

1978

13 800 km – La relève

Son fils Craig commence à travailler dans l’entreprise familiale. Il en est aujourd’hui le directeur adjoint. Son deuxième fils Brian accompagne la même année le pilote de course canadien Ludwig Heimrath à bord d’une Porsche 935 à Mexico, où Heimrath doit participer à une course, qu’il remportera. Brian est conquis. Le virus de la course s’est transmis à la nouvelle génération.

1981

88 713 km – Héritage familial

« Mon fils Brian a fait ses débuts en course en 1981. Depuis, rien n’a changé », raconte le père de 86 ans, plein de fierté. Il confie avoir pris depuis longtemps une décision forte : la 911 Turbo bien-aimée restera dans la famille après sa mort.

2006

641 312 km – Réparation de fortune

Mais tout ne se passe pas toujours comme prévu. Lors d’un périple vers Monterey, la poulie d’entraînement du ventilateur cède. « Impossible de trouver une pièce de rechange dans le sud de l’Oregon », se souvient Bill MacEachern. « Mais j’ai déniché un atelier qui a soudé la pièce défectueuse. » Il a ainsi pu arriver à temps en Californie pour assister à la course.