L’audace a du génie
Au printemps 1977, lorsque la 928 est dévoilée au public, le nouveau fleuron de la marque provoque une certaine effervescence. Aujourd’hui, le modèle continue de fasciner.
» On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue, d’abord et longtemps, tout rivage. » L’aphorisme d’André Gide, prix Nobel de littérature en 1947, trouve un écho particulier dans l’état d’esprit qui règne chez
Ernst Fuhrmann, le nouveau président du Directoire, défend un nouveau concept s’écartant radicalement du traditionnel moteur arrière. Il mise sur une architecture avec moteur à l’avant et boîte de vitesses à l’arrière, reliés entre eux par un arbre rapide. Avec cette architecture, baptisée Transaxle, la 928 signe son arrivée dans l’univers
Une décision courageuse, compte tenu de la forte tradition de moteur à l’arrière qui prévaut alors chez
Si aujourd’hui, l’absorption des chocs n’a plus vraiment de secret, à l’époque, pour Wolfhelm Gorissen et son équipe d’ingénieurs et de concepteurs, le défi était de taille. Mais, au-delà des difficultés liées aux caractéristiques d’élasticité requises pour la fixation, c’est surtout la peinture qui a donné du fil à retordre. « Il n’existait alors aucune peinture adaptée à la fois à l’acier, à l’aluminium et au polyuréthane, nous obtenions des nuances de teinte différentes », se souvient Wolfhelm Gorissen. Il faut donc inventer cette peinture. Ce sera chose faite avant le lancement de la production en série.
Tandis que les ingénieurs de Weissach s’attachent à trouver le moyen de gagner de précieux centimètres ou quelques kilogrammes, les experts du département d’essais explorent les limites physiques des derniers prototypes. Avec son poids équitablement réparti entre les deux essieux, son moteur V8 volumineux et son châssis optimisé, la 928 laisse augurer sur le papier un comportement sur route à couper le souffle. Attendue au tournant, elle surpasse toutes les attentes de ses concepteurs. Wolfhelm Gorissen se souvient notamment des essais de nuit réalisés en Forêt-Noire : « C’était l’hiver, les routes étaient en partie verglacées et le parcours s’annonçait difficile. » Pourtant, c’est avec le sourire que les pilotes terminent les essais : « En matière de maniabilité, la 928 surclassait la 911 d’alors. »
La 928 se distingue de prime abord de la 911, notamment en raison de son positionnement plus élevé en gamme. Véritable sportive taillée pour les longs trajets, elle est le premier modèle Grand Tourisme de
Au demeurant, la 928 semble glisser sur la route avec sérénité. Son niveau sonore est nettement inférieur à celui d’une 911 à moteur boxer refroidi par air, son comportement sur route irréprochable, et son habitacle particulièrement confortable. Le système de climatisation comprend le refroidissement de la boîte à gants, le volant et la console porte-instruments sont réglables en hauteur, la position des pédales, du repose-pied et du levier de vitesses peut également être adaptée au conducteur. Le lave-glace dispose d’un réservoir séparé doté d’une pompe de dosage supplémentaire qui vaporise par intermittence un liquide de nettoyage pour empêcher l’apparition de traces sur le pare-brise. La 928 est également dotée d’une radiocassette
Présentée en exclusivité au Salon de l’automobile de Genève en mars 1977, la 928 fait sensation et suscite l’enthousiasme auprès du public. « Rudolf Leiding, ex-patron de Volkswagen, en a aussitôt acheté une, pour sa femme », relate alors l’hebdomadaire allemand Spiegel, qui ajoute : « Aucune autre voiture n’a jamais été aussi déterminante pour l’avenir de
Quarante ans après, force est de constater que la
Harm Lagaaij reste un fervent admirateur de l’esthétique de la 928. Évoquant son élégance intemporelle et sa conception parfaitement aboutie, il prononce une phrase qui résonne tel un écho à la citation d’André Gide : « Avec la 928,
Texte Sven Freese
Photos Christian Grund, Ty Milford
Andrew Phinney
Âgé de 51 ans, ce passionné originaire du Connecticut est l’heureux propriétaire d’un exemplaire de la première 928. Onze
« Je n’étais qu’un adolescent quand j’ai découvert pour la première fois la
Hans Clausecker
Né en 1940, ce spécialiste des châssis a participé aux essais sur route avec pneus hiver lors de la dernière phase de développement de la
« J’ai rejoint l’équipe d’essais environ un an avant la présentation de la 928. Il s’agissait essentiellement de tester en conduite différents pneus hiver sur le col de Turracher Höhe et sur les eaux gelées du Falkertsee, près de Bad Kleinkirchheim, en Autriche. Nous avons également effectué des essais de maniabilité sur le Nürburgring et sur le Contidrom de Hanovre. Du fait de la répartition quasi idéale des masses, la conduite de la 928 était beaucoup plus aisée que celle de la 911. Je la trouvais particulièrement docile et appréciais son confort exceptionnel sur les longues distances. Mon collègue Günter Steckkönig et moi la considérions comme le modèle idéal pour participer au Championnat d’Europe FIA des voitures de tourisme qui se disputait à l’époque. Nous avons fini par obtenir l’autorisation de préparer une
Hans-Georg Kasten
En 1970, à l’âge de 23 ans, il entre directement chez
« J’ai commencé ma carrière au studio