Compteurs à zéro
Les flots sont agités, le ciel est gris, la température avoisine les 25 degrés. Il n’est encore que six heures du matin. Le soleil fera son apparition dans une demi-heure et montera rapidement au zénith, avec un rayonnement UV plus intense que partout ailleurs sur le globe, et il se couchera exactement douze heures après son lever.
0 m d’altitude, 0° de latitude, 0 km parcouru
Sur une plage non loin de Pedernales, un
Près de 300 km de route et 2 850 m de dénivelé nous séparent de Quito, la capitale. Andrés Galardo a fait le trajet la veille. Il est arrivé à la nuit tombée, alors que les moustiques vrombissaient autour de la piscine. Le propriétaire de l’hôtel lui a déconseillé de se garer sous les palmiers en raison du risque de chute de noix de coco. Ce matin, l’heure du départ a sonné. Avec aplomb, les 228 ch de la
Accélération sur la route secondaire menant à Pedernales, une petite ville à quelques kilomètres au nord de l’équateur. Mais sans dépasser les 100 km/h : c’est la vitesse maximale autorisée en Équateur, même sur les nombreuses et récentes autoroutes à huit voies. Et la taille du réseau routier n’a d’égal que la rigueur des contrôles : tolérance zéro ! Même un léger dépassement peut coûter cher, alors Andrés Galardo appuie sur le frein après la moindre accélération. Nous sommes encore dans la Costa, la plaine fertile bordant la côte, qui forme la quatrième région du pays avec la Sierra andine, l’Oriente (la partie amazonienne du territoire) et les îles Galápagos.
La route s’élève doucement, s’enfonce entre les plantations et les forêts de bambous. Par endroit, des pelles mécaniques fouillent les profondeurs de la terre : au pays de l’Eldorado, les chercheurs d’or espèrent trouver le trésor qui fera leur fortune. Mais leur labeur n’est rémunéré que par le salaire de base, 386 dollars américains mensuels. En 2000, l’Équateur a abandonné le sucre et adopté le dollar américain comme monnaie officielle. Les exportations de pétrole, de bananes et de fleurs coupées s’en trouvent facilitées. Et le pays dispose aussi d’un autre atout : la richesse de ses écosystèmes. Sur un petit territoire, l’Équateur présente une biodiversité unique au monde. Dans les Galápagos : tortues géantes, sauriens, otaries. Le long de la côte continentale, de juin à septembre : des milliers de baleines à bosse venant se reproduire. Dans la Costa : iguanes, perroquets, singes. Dans la Sierra : condors et vigognes, les plus grands oiseaux de proie et les plus petits camélidés du monde. Et de l’autre côté des Andes, dans le bassin amazonien : tapirs, jaguars, singes, perroquets, piranhas et plus d’espèces d’insectes que dans toute l’Europe.
1 500 m d’altitude, 0° de latitude, 200 km parcourus
En contrebas, la petite ville de Mindo. Devant le
2 850 m d’altitude, 0° de latitude, 287 km parcourus
Quito, la plus belle ville d’Équateur, est aussi la plus haute capitale du monde, avec un million et demi d’habitants et un air raréfié qui essouffle les visiteurs venant de la plaine. Des étés frais, des rues pavées en pente raide, une architecture coloniale, des hôtels de luxe, des cafés, des marchands de glace. Andrés Galardo se dirige droit vers une station-service de la banlieue de Cumbayá, point de rendez-vous des amateurs de
4 658 m d’altitude, 0° 41´ 3˝ S, 370 km parcourus
Le convoi
1 900 m d’altitude, 0° 44´ 9˝ S, 550 km parcourus
La route descend à présent vers le bassin amazonien, la forêt vierge. Le Río Victoria creuse son chemin profondément dans la roche. Des cascades se jettent dans le vide depuis la falaise opposée. La brume monte vers les sommets, nous laissons les Andes derrière nous. Le groupe de voitures de sport parcourt maintenant la partie orientale et sauvage du pays. Au barrage routier de Baeza, un contrôle est effectué par les unités spéciales de la police. Devant l’embouteillage qui se forme, les conducteurs
2 850 m d’altitude, 0° de latitude, 650 km parcourus
Retour à Quito. Le convoi emprunte la nouvelle autoroute urbaine en direction de la « Mitad del Mundo », au nord de la ville, à San Antonio de Pichincha, où un monument représente le passage de l’équateur. Les voitures se garent devant le siège de l’UNASUR, l’Union des nations sud-américaines. Ce bâtiment à l’architecture futuriste a été dessiné par Diego Guayasamin. Le petit groupe est reçu par le chef du protocole, dont le bureau se trouve sur l’équateur. Entièrement vitré, il s’avance de 50 m dans l’hémisphère sud, en porte-à-faux : un véritable tour de force dans cette région sujette aux secousses sismiques. À l’horizon, un volcan recouvert de neige domine les montagnes entourant la ville. L’air est pur. Vu d’ici, la côte chaude et brumeuse où a commencé le voyage il y a trois jours semble appartenir à un autre monde. Au moment de partir, le chef du protocole remet à chacun un livre de l’UNASUR intitulé Where Dreams are Born. Un livre dans lequel les nouvelles générations s’approprient le monde et façonnent l’avenir.
Texte Michael Kneissler
Photos Luca Zanetti, Dani Tapia (drone)