Habituellement, il est plutôt derrière la caméra. Pour Christophorus, le réalisateur de la série américaine Backseat Drivers prend la plume pour raconter son séjour au cœur du parc national de Yosemite. À bord du
Quel a été le déclic ? Est-ce le poster de la
J’ai appris à lire et à écrire grâce aux dizaines de brochures que je rapportais des salons automobiles. Adulte, j’ai eu envie de susciter le même enthousiasme auprès de la jeunesse à travers mon métier d’auteur-réalisateur. C’est de cette idée qu’est née la série Backseat Drivers, une émission spécialement conçue pour les enfants. Dans chaque épisode, les conducteurs de demain apprennent à interagir avec la voiture et à nouer un véritable lien avec elle tout en s’amusant.
Ma femme Mirabai et nos filles s’affairent à charger les valises dans le coffre. Les enfants scrutent avec étonnement les poignées de porte affleurantes de la voiture. Il s’agit peut-être de la première excursion familiale au monde à bord d’un
La batterie est à pleine charge, le café est chaud : j’appuie sur la pédale d’accélérateur pour rejoindre l’autoroute Interstate 5. La voiture file à vive allure dans un couinement. Le bruit ne vient pas des pneus, mais de mes filles à l’arrière, gaies comme des pinsons. En quelques secondes, elles comprennent tout le sens que revêt notre escapade : découvrir la Californie à l’état sauvage et sillonner un paysage grandiose à bord d’une voiture sublime. Nous roulons maintenant à notre vitesse de croisière. Je suis tout aussi heureux de faire ce voyage en famille que de constater que ma playlist ne suscite aucune protestation.
Lorsque nous attaquons des virages en épingle, un phénomène étrange se produit. Soudain, le silence déchire la forêt nationale de Sequoia. Le bruit du vent, des enfants et du monde s’éteint dans un souffle. Les arbres de 3 000 ans qui se dressent majestueusement de part et d’autre de la route nous laissent sans voix. La voiture électrique se recueille dans un silence presque religieux, comme si elle saisissait elle aussi la solennité de l’instant.
Nous pique-niquons au pied d’un chablis centenaire. Un énorme insecte aux allures terrifiantes se pose sur la carrosserie cerise. Adeline, ma fille aînée, court se cacher. À l’inverse, Charlotte demande si on peut l’emmener avec nous. La réaction différente de mes enfants m’étonne. Je vérifie néanmoins que ma benjamine n’a pas caché la bestiole dans la boîte à gants.
Au soleil couchant, nous faisons une halte près de l’entrée du parc national de Yosemite. À la manière d’un détective, je passe les abords du
L’ours paraît bien inoffensif face à deux enfants qu’il faut lever à l’aube. Mais l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Une fois les enfants endormis installés à l’arrière, nous prenons le chemin du parc de Yosemite. L’aurore se lève sur un paysage d’une beauté irréelle. L’horizon se dessine au loin comme un tableau, ou plutôt comme une photo en noir et blanc du célèbre photographe californien Ansel Adams qui aurait été éveillée à la vie par des touches de couleurs.
Le parc Yosemite est grandiose. Il nous rappelle avec une douceur inébranlable que nous ne sommes que de passage sur terre, et que presque tout ce qui se déploie devant nos yeux nous survivra.
Au moment d’emprunter une route en lacets, Adeline s’écrie : « Cette voiture est géniale ! » Bingo. Quelques secondes plus tard, la vue majestueuse se découvre sur le Half Dome. Le sommet, qui culmine à près de 2 700 m d’altitude, s’élève à 400 m au-dessus de la canopée. L’eau d’une cascade bruisse au loin lorsque nous marquons un arrêt pour escalader les falaises. Je pense alors aux premiers habitants de la forêt, et à ceux qui ont lutté corps et âme pour la préserver. À ce moment précis, je suis bien content qu’aucun de mes enfants n’ait une envie pressante.
Avant de quitter le parc, nous nous promenons encore dans les bois. Charlotte se prend à nouveau de passion pour un insecte, qu’elle baptise Fuzzy. Fort heureusement, elle choisit de poser la chenille sur l’écorce d’un arbre, et non dans son sac.
Le lendemain, sur la route de Los Angeles, nous nous perdons dans les champs dorés de la Californie qui semblent s’étendre à perte de vue. Nous avons réussi à nous débarrasser de toutes les bestioles de la forêt. La famille a néanmoins accueilli un nouveau membre : un ours en bois sculpté à la tronçonneuse qui répond au doux prénom de Gunther.
Flâner et s’arrêter au gré de ses envies : toute l’âme d’un road trip tient à sa spontanéité. Le Cross
« Ces jours resteront gravés dans notre mémoire. » John Chuldenko
Plus tard, sur l’autoroute, Mirabai se réjouit d’avoir pu vivre cette expérience en famille. Je jette un œil dans le rétroviseur. Attaché avec une ceinture de sécurité, Gunther trône entre mes deux filles et plonge son regard de bois dans le mien. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Nous savourons tous deux notre liberté.
Le Cross
Cet article est paru dans le magazine « Christophorus », édition 400 www.christophorus.porsche.com