Une histoire de vie haute en couleurs
Andreas Rüd s’est acheté une 911 T noire de 1971. Dans le cadre du
Il a longtemps attendu ce jour : Andreas Rüd peut enfin récupérer sa
Une Touring qui en a vu de toutes les couleurs
La 911 T incarne pour Rüd la conduite dans sa forme primitive, et ce, à juste titre. C’est en 1963 que la toute première 911, la 901, fut présentée au Salon International de l’Automobile de Francfort. Son Boxer six cylindres de 2,0 litres avait une puissance de 130 ch. C’est sous cette seule forme qu’elle fut produite jusqu’en 1967. Les premières améliorations et variantes du modèle n’apparurent que plus tard. À partir de 1968, la 911 T marquait l’entrée dans le monde des 911. Son moteur avait une puissance de 110 ch. Si la 911 L, la variante de luxe et ses 130 ch, avait cinq vitesses, la Touring n’en avait que quatre. La version la plus sportive était la 911 S. Appelée « Super », elle affichait 160 ch et atteignait 225 km/h.
C’est à partir de 1968 que la 911 a fait l’objet des premières modifications en profondeur, quand son empattement a été rallongé de cinq bons centimètres pour améliorer ses qualités routières. Pour que la 911 Touring conserve des performances routières à la hauteur de son temps, sa cylindrée a été portée à 2,2 litres à partir de 1970. Sa puissance a alors grimpé à 125 ch, permettant au
La 911 T qu’Andreas Rüd a achetée il y a trois ans est l’un des 583 exemplaires construits en 1971. À l’origine, le véhicule fut livré aux États-Unis, avec peinture extérieure marron et habitacle assorti. À partir de là, la voiture en a vu de toutes les couleurs. Le propriétaire d’origine l’avait repeinte en violet. Deuxième changement de couleur : elle passa au noir. C’est dans cette robe sombre qu’elle arriva en 2013 en Suisse, où elle dut être modifiée conformément à la réglementation locale et où, pour finir, elle fut acquise par Andreas Rüd. « Je n’ai pas acheté ma 911 pour faire un placement. Depuis le début, elle a été là pour rouler. » Et c’est bien ce que ce fan de
Andreas Rüd a conduit sa voiture au Centre
« Bien sûr, cela représentait un coût élevé. Mais j’ai quand même fini par me décider à la faire entièrement restaurer. On fait les choses correctement ou ne les fait pas. » C’est là qu’intervint le
Choisir une couleur : un dilemme !
Après le feu vert de Rüd, les travaux ont pu vraiment commencer au Centre
Pour restaurer durablement le véhicule, chaque boulon a été resserré. La voiture étant déjà complètement désossée, on en a profité pour rénover le système électrique de fond en comble, y compris le faisceau de câbles. Or, le faisceau de câbles des 911 de la première série n’étant plus disponible, Pero Juric a dû en fabriquer un lui-même. « Je me suis fait un schéma du système électrique que j’ai suivi pour reconstituer le faisceau de câbles. » Un travail de titan : heureusement, le système électrique est beaucoup plus simple sur ce modèle que sur les nouvelles voitures, mais il comprend des mètres et des mètres de câbles et d’innombrables connexions. Du clignotant à l’éclairage intérieur, tout doit fonctionner impeccablement. Passé cet obstacle, place à la recherche de solutions sur mesure.
L’intérieur était en bon état. Il a été décidé de conserver le revêtement noir, même s’il avait été installé ultérieurement. Les garnitures ont été simplement nettoyées en profondeur, remettant ainsi bien en valeur le motif noir et blanc. « Joli contraste avec la couleur extérieure », juge le chef d’atelier Juric. Mais à l’intérieur, ça n’a pas été si simple. Le diable est dans les détails : le tableau de bord et les panneaux de porte ont reçu un nouvel habillage en cuir, et ces derniers à nouveau pourvus de vide-poches fidèles aux originaux. Les baguettes latérales peintes couleur aluminium provenant de la banque de pièces originales de
En revanche, impossible de trouver le petit levier de déverrouillage des sièges. Mais il fallait le remplacer. Alors Pero Juric a trouvé une solution à la fois simple et complexe. « Quand la pièce n’existe plus, il faut la refaire. » Dans l’atelier de Schlieren, Juric a fabriqué le moule correspondant et refondu la pièce en plastique. Une copie parfaite, impossible à distinguer de l’original.
Les chevaux sont à nouveau là
Le moteur de la 911 T tourne lui aussi comme au premier jour. Après nettoyage des boîtiers, il a été entièrement reconstruit. Les coquilles de palier ont été remplacées, le vilebrequin équilibré avec précision. « Résultat, le moteur tourne rond, avec souplesse, ce qui n’était pas le cas avant son démontage », explique Juric. Dans la foulée, le moteur a été modifié pour fonctionner à l’essence sans plomb. Certes, techniquement, ce n’est pas l’état d’origine, mais l’expérience de conduite reste identique. « Autrefois, on pouvait faire le plein dans n’importe quelle station-service sans additifs. C’est à nouveau possible. Et en plus, c’est plus confortable », dit le chef d’atelier pour justifier cette modification. Le moteur démarre au quart de tour et ronronne de manière tranquille et régulière au point mort. Maintenant qu’il a été reconstruit, il délivre à nouveau sans problème ses 125 ch. Andreas Rüd n’a jamais envisagé d’équiper sa voiture avec le moteur plus puissant de la 911 S, lui aussi de 2,2 litres de cylindrée, même si ce type de voitures est encore plus recherché. « Ce n’est pas l’état d’origine. Et pour être honnête, avec 125 ou 180 ch, en matière de performances de conduite, une voiture de 45 ans est toujours à la traîne derrière les nouvelles. Mais bon, en comparaison, on roule plus calmement. Le plaisir, ça compte aussi. »
La 911 des origines s’apprécie surtout dans les passages riches en virages ; d’où la rénovation complète du châssis. Nouveaux amortisseurs, nouveaux ressorts et nouveaux pneus assurent une excellente tenue de route et une maniabilité incomparable – c’est ce qui fait la renommée de la 911. Et il est au moins aussi important d’avoir un système de freinage fiable. Un étrier de frein s’était coincé, provoquant une surchauffe et une corrosion accrue. Le système de freinage a donc été entièrement revu, un coup d’œil aux étriers de frein, clairement visibles derrière les jantes Fuchs, suffit pour s’en rendre compte. « Les étriers brillent d’un éclat un peu plus intense que lors de la première livraison. C’est parce que nous avons dû utiliser une technique de galvanisation différente. Ce qu’on faisait à l’époque n’est plus autorisé aujourd’hui », explique le chef d’atelier Juric. Mais avec le temps, le brillant s’estompera. Ce souci du détail se retrouve à tous les niveaux : oui, même la couleur des étriers de frein compte. Il va presque de soi que les professionnels de la restauration de Schlieren ont pensé à tous les détails. Les autocollants du compartiment moteur ont tous été réapposés et fournissent à nouveau des informations bien lisibles, en noir sur fond doré, sur les quantités d’huile et la pression des pneus ainsi que sur l’ordre d’allumage. Sur la lunette arrière, l’autocollant avec le dessin d’un moteur Boxer de 2,2 litres resplendit comme à l’époque. Et la vitre latérale arrière célèbre même les succès en compétition de la marque au début des années 1970 : champion du monde des marques ! Debout à côté de cette voiture, on sent toute sa gloire d’antan.
Des heures et des heures pour un nouvel éclat
Le travail fourni par l’équipe de Pero Juric dans l’atelier est lui aussi digne d’une performance de champion du monde. Au total, le projet 911 T a pris neuf mois. De l’état des lieux à la remise au client, quelque 1 300 heures de travail ont été nécessaires. « Pour moi, ça a été un projet absolument passionnant qui m’a permis d’en apprendre beaucoup », constate Juric. « Par rapport au travail quotidien sur les voitures neuves, c’est un tout autre monde. Beaucoup de problèmes demandent des solutions personnalisées. Cela exige bien plus de compétences artisanales et de créativité. Un défi tout à fait passionnant. » Et, comme le dit Juric, un défi qui ne laisse pratiquement aucun répit. « Souvent, après le travail, on y pense encore. On réfléchit, on essaie de trouver des solutions. C’était comme si c’était ma propre voiture. » En fait, on n’en a jamais fini, confie le mécanicien, qui se tourne pourtant déjà vers de nouveaux projets. « Nous envisageons de restaurer une 356 de fond en comble. Après l’expérience que nous avons vécue avec la 911, je suis impatient ! »
Rire comme autrefois
La remise du véhicule à Andreas Rüd par le directeur du service après-vente Enrico Mazzeo couronne l’achèvement du projet. « Certes, je suis venu régulièrement voir l’avancée des travaux. Mais je n’ai pas encore vu la 911 terminée », dit Rüd, plein d’attentes. Des attentes nullement déçues. « Je n’étais pas tout à fait sûr d’avoir pris la bonne décision en la faisant repeindre en marron. Maintenant, elle me plaît énormément. C’est quelque chose de vraiment original, qu’on ne voit pas souvent. » L’avocat tenait à l’originalité – raison décisive pour entreprendre ce projet. « N’importe qui peut s’acheter une
Ça valait donc la peine d’attendre. Et encore une fois, la 911 a prouvé qu’elle est bien plus qu’une voiture. Même 45 ans après, elle continue de fasciner et de ravir les gens. Quand ils la conduisent, mais aussi simplement en la regardant. Et aujourd’hui encore, les mécaniciens sont enthousiasmés par cette technique à la fois simple et géniale. Enfin, après plus de quatre décennies, elle réussit encore à éveiller les convoitises. On veut avoir cette voiture, on veut la conduire – la vivre. Pour cette voiture de sport historique, l’attente et le long voyage ont également été payants, puisqu’à Schlieren elle a trouvé une seconde vie. La fascination qu’exerce la
Texte Philipp Aeberli
Photos Christian Egelmair