Quatre montagnes à franchir
« Quand on est rapide sur la boucle Nord, on est rapide n’importe où dans le monde », résuma Frank-Steffen Walliser, responsable du sport automobile et des véhicules GT chez
Une sportive de haut niveau adaptée au quotidien
Pour en arriver là, il faut d’abord avoir de grandes qualités d’adaptation au quotidien. Savoir attendre au feu, se faufiler dans le trafic urbain, avaler des kilomètres sur autoroute. Comme toute sportive digne de ce nom, la GT3 doit commencer par s’échauffer. Ses roues la démangent quand le moteur tourne au point mort, les engrenages de l’embrayage et du différentiel se mettent à fonctionner bien distinctement, et avec une souplesse plus audible à chaque montée en température de l’huile. Le chef d’orchestre assis au volant entend de très près ce jeu subtil tandis qu’il patiente au feu. Il a l’impression d’être assis dans la même pièce que toute cette mécanique, dont ne le sépare qu’une mince paroi isolante.
Certes, on glisse sans doute avec plus de fluidité et de confort à travers le quotidien à bord d’une 911
Spectaculaire virée alpine
Sur l’autoroute, l’aiguille du compte-tours reste posément aux alentours des 3 000, ce qui laisse encore une belle marge de manœuvre vers le haut. À partir de Göschenen, la route commence à monter en direction d’Andermatt. Sept grands virages, de longs tunnels. Pas l’endroit idéal pour aller au bout des 9 000 tr/min potentiellement offerts par le six-cylindres et ses 500 ch. Pour un premier test sonore, la première vitesse est déjà tout indiquée. Jusqu’à la limite magique de 4 000 tr/min, le moteur 4 l se retient encore. Alors, on comprend instantanément ce qui se passe : les gaz d’échappement passent à travers un silencieux nettement moins volumineux.
La voix du Boxer se fait plus puissante, plus énergique, avec des basses plus présentes. Un constat fort prometteur avant de poursuivre notre route vers Andermatt et le col du Saint-Gothard. Le premier de quatre cols qui forment un spectaculaire tour des Alpes : trois heures et demie de pur plaisir de conduire, pour un total de 165 km. Jusqu’à l’ouverture du tunnel routier du Saint-Gothard, la route du col, qui culmine à 2 108 m d’altitude, était l’une des principales liaisons nord-sud à travers les Alpes. Aujourd’hui, l’essentiel du trafic passe par le tunnel ; seuls empruntent la route du col ceux qui veulent éviter les embouteillages, ou comme nous, cherchent le pur plaisir. On dit que c’est en 1895 que la première automobile a franchi le col. Un modèle De Dion-Bouton de 3,5 ch avec plaquettes de frein en cuir, qui auraient brûlé au bout de quelques minutes à peine lors de la descente vers Airolo. La technique est désormais à la hauteur de la montagne. Disques de frein de 380 mm partout, freins à étriers fixes monobloc en aluminium à six pistons sur l’essieu avant et à quatre pistons à l’arrière. Un dispositif qui inspire autant de sécurité que la simple vision de ces impressionnants ingrédients le suggère, et qui sur les routes publiques a peu de chances d’atteindre ses limites. Tout cela renforce la confiance en notre monture, à bord de laquelle nous redescendons vers la vallée.
Vers le sommet
Après une redescente toute en virages, qui emprunte les impressionnants ponts de la route du col du Saint-Gothard, la montée vers le col du Nufenen offre un autre grand moment. C’est la deuxième route menant à un col la plus élevée de toute la Suisse : elle relie le Tessin au Valais. D’Ulrichen, à 1 346 m d’altitude, les 14 km de la route du col du Nufenen nous conduisent à près de 2 478 m. Avec une pente maximale de 13 %, le Nufenen est aussi l’une des routes les plus abruptes de Suisse. Ici, le moteur Boxer abrité à l’arrière de la 911 GT3 et entièrement repensé, peut montrer ce qu’il a dans le ventre. Même à bas ou moyen régime, l’injecteur réagit directement. Même à la sortie des virages les plus serrés, le moteur GT3 accélère sans le moindre délai à l’assaut de la ligne droite suivante. Et là, il ne connaît plus aucune limite. Grâce à des entrailles plus légères et à des commandes de soupapes entièrement repensées, le bloc peut atteindre 9 000 tr/mn. Sans forcer, avec une facilité déconcertante, quelle que soit la vitesse enclenchée. Même dans les lignes droites les plus brèves, il faut garder un œil sur le compteur, car la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h ! Ceci étant, il ne faudrait que 3,4 s à la GT3 pour sprinter de zéro à 100 km/h.
Après la redescente du col du Nufenen, nous poursuivons par la route de la Furka, direction Obergoms, puis le col du Grimsel. La montée, côté sud, est célèbre pour ses six virages en épingles à cheveux entrecoupés de lignes droites de plus en plus longues. L’occasion parfaite, pour le moteur à aspiration atmosphérique, de se mettre en scène – idem pour le double embrayage PDK. Il passe d’une vitesse à l’autre avec une rapidité et une précision étonnantes, capable de prendre automatiquement la bonne décision, ou de réagir instantanément aux ordres de passage de vitesse. Difficile, pour un embrayage homologué pour la route, d’être plus proche du sport automobile que celui-ci – tout en étant parfaitement adapté à la conduite de tous les jours. À la sortie des virages, on découvre une vue imposante sur le lac de retenue du Grimsel, et après le col vient la descente vers Innertkirchen, dans l’Oberland bernois.
Enthousiasme au long cours
Pour le retour vers Andermatt, nous passons par le col du Susten. Neuf virages en épingles à cheveux, des routes aux courbes généreuses ponctuées de lacets : un vrai défi pour l’homme comme pour la machine. Mais pas de quoi impressionner la GT3 qui reste imperturbable et montre une fois de plus que ses limites sont bien au-delà de ce qui est permis sur les routes publiques. Notre sportive accomplie n’en reste pas moins fascinante. La 911 prend les virages les plus serrés avec un mordant remarquable, aidée par les roues arrière directrices. Sa trajectoire reste précise, car le moteur arrière, mais aussi son aérodynamisme global, lui procurent un équilibre parfait. Enfin, elle reprend énergiquement son accélération dans les lignes droites. Tout cela se fait de manière intuitive, fluide, évidente.
Comme nous redescendons vers Wassen, le navigateur nous informe qu’il ne nous reste plus que 20 km avant d’arriver à destination. 7:12,7 ? Pas ici, pas maintenant. Car non contente de réaliser des meilleurs temps sur circuit et d’assurer au quotidien, la GT3 est aussi capable d’une chose : susciter un enthousiasme continu. En tout lieu, en tout temps. Elle fait tout pour nous ôter l’envie de sortir de ses sièges baquets ultra-légers, proposés en option – qui d’ailleurs se révèlent étonnamment confortables, même pendant les longs trajets. Un atout de plus. ●
Texte Philipp Aeberli
Photos Ian G.C. White