La plus belle course du monde
Tradition
C’est une journée splendide à Ascona : le ciel est dégagé et les nombreux cafés qui bordent la promenade du lac font de l’œil aux passants. En ce début d’après-midi, les rayons chauds du soleil d’hiver donnent envie de déguster un café en plein air, malgré le vent frais. Nous venons de faire de magnifiques prises de vue dynamiques et d’admirer la
On entend souvent dire que la passion de la Mille Miglia serait un virus, qu’on attraperait en y participant. De toute évidence, Loris a été contaminé. Mais c’est la passion d’un autre conducteur tessinois qui a fait de la
« Je savais que mon père avait été pilote de course, et j’ai conservé tous les papiers qui évoquent cette histoire. » Il feuillette une liasse imposante de documents historiques, de photographies de cette époque, d’articles de journaux. Il a tout apporté. « Mon père était homme d’affaires, mais avant tout, c’était un amateur de voitures. Quand il était jeune, pendant son apprentissage de mécanicien, il arrivait à 4 heures du matin à l’atelier, juste pour pouvoir admirer en secret les splendides voitures de sport qui existaient à l’époque. Et il revenait juste à temps pour l’ouverture de l’atelier. C’était son plaisir, une vraie passion. Une passion qui lui a valu de finir troisième de sa catégorie et 28e au classement général de la Coppa della Toscana, qu’il avait disputée au volant d’une Lancia Aurelia B20. Cela lui a rapporté 1 000 francs, que nous avons dépensés pour des vacances en famille. C’était en 1952. » La Coppa della Toscana est une course difficile. Cette année-là, la moitié seulement des coureurs avaient atteint l’arrivée.
Un souvenir inoubliable
C’est en 1953 que Giovanni Kestenholz a pris pour la première fois le départ de la Mille Miglia. Une course éprouvante, dangereuse, dont certains ne sont jamais revenus. L’entreprise
Contrairement aux archives vastes et bien ordonnées de Zuffenhausen, le monde virtuel et illimité d’Internet, pour une raison inconnue, offre très peu d’informations sur Giovanni Kestenholz. Sa participation à la Mille Miglia serait-elle passée inaperçue ? Selon son fils Francesco, ce serait plutôt l’inverse : « Il s’est fait remarquer – et comment ! À cause de la proximité avec l’Italie, les Tessinois adoraient les modèles de fabrication italienne, mais aussi ceux qui remportaient les courses – comme les
Au plus fort de l’hiver, le soleil disparaît vite à l’horizon et il faut se dépêcher de faire encore quelques photos. Davide, le photographe, est séduit par les formes de la 356, qui s’accorde très bien à la promenade du lac d’Ascona. Il n’est pas le seul : à plusieurs reprises, le nombre de passants s’approchant de la mère de toutes les
Loris est une encyclopédie vivante, un authentique fan, tombé un jour en profonde admiration devant la 356, avec laquelle il vit depuis une grande histoire d’amour. Il conduit souvent sa voiture chérie et participe à toutes les courses amateurs possibles. Il s’est bien sûr inscrit à la réédition de la Mille Miglia : « En 2005, j’ai assisté pour la première fois à la nouvelle formule de la Mille Miglia dans le public et ce moment a été décisif. J’ai commencé à étudier son histoire, et donc l’histoire de
La Mille Miglia de 2015, qui a vu Loris faire ses débuts, n’avait certainement plus grand chose à voir avec celle que Giovanni Kestenholz a connue, mais l’esprit de la course est toujours bien vivant. « Étant donné que j’y ai participé, je peux en témoigner. Les spectateurs sont enthousiastes et le montrent tout au long du parcours, petits et grands. La Mille Miglia est un véritable musée roulant, avec plus de 400 voitures qui défilent, qui ont bel et bien participé à la course, et sont de puissance très différente. Souvent, on est dépassé par des voitures qui roulent à une vitesse folle et valent plus qu’une villa avec vue sur le lac. Même les pilotes les plus expérimentés sont de la partie ! »
L’histoire continue
Même si elle fait partie des voitures les moins puissantes de la course, la 356 fait bonne figure, comme Loris nous l’explique lui-même. « Elle est petite et légère, c’est un vrai plaisir de la conduire dans les virages. Et puis elle est robuste et d’une parfaite fiabilité. C’est un aspect très important pour quelqu’un comme moi, qui ne serait pas capable de faire lui-même les réparations éventuelles. Sans compter que je ne la transporte pas sur une remorque : pour moi, la course commence dès la maison, ma voiture doit m’amener jusqu’à la ligne de départ, et retour. Depuis toutes ces années, je fais corps avec elle ; à tel point que je sais dire à l’odeur des gaz d’échappement si je dois faire une vidange. »
La lumière chaude et romantique qui baignait la deuxième et dernière partie de notre séance photos perd de son intensité. L’air devient soudain glacial, Ascona cède doucement au crépuscule. Je pense à Giovanni Kestenholz et à l’histoire qui lie la Suisse à l’Italie. Je contemple le soleil qui disparaît derrière Brissago et les Alpes lépontines. Comme par hasard : juste à la frontière entre la Suisse et l’Italie ! Une poignée de mains vigoureuse clôt cette journée particulière, un festin à base de passion, qui nous a tous revigorés. La
Texte Benjiamin Albertalli
Photos Davide Saporiti